Un décret du 16 avril 2020 prolonge d’un mois et assouplit les conditions d’éligibilité au dispositif d’aides du fonds de solidarité au bénéfice des très petites entreprises.
Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises constitue l’un des instruments mis en place par les pouvoirs publics pour venir en aide aux entreprises frappées de plein fouet par la crise sanitaire liée à la propagation du covid-19 et aux mesures de confinement de la population qui ont été décidées. Ce fonds a été institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 (JO 26 mars) et son régime a été précisé quelques jours plus tard par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 (JO 31 mars). Les critères d’éligibilité aux aides versées par ce fonds ont été élargis une première fois par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 (JO 3 avr.). Ils le sont une nouvelle fois par le décret du 16 avril 2020. Cela représente évidemment un coût pour les finances publiques. C’est pourquoi, en parallèle, une nouvelle loi de financement rectificative est en train d’être votée, qui prévoit de faire passer la dotation au fonds de solidarité de 1 milliard à 7 milliards d’euros.
Dans sa version issue du décret modificatif du 2 avril, le dispositif est ouvert aux très petites entreprises (TPE ; pour faire simple, le montant du chiffre d’affaires de leur dernier exercice doit être inférieur à un million d’euros leur bénéfice imposable ne doit pas excéder 60 000 €) qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020. Le montant de l’aide s’élève au maximum à 1 500 €, mais les entreprises les plus fragiles peuvent bénéficier, le cas échéant, d’une aide complémentaire forfaitaire de 2 000 € versées par les collectivités locales (en principe les régions).
Critères d’éligibilité (Décr. 30 mars 2020, art. 1er mod.)
Les critères d’éligibilité aux aides versées par le fonds de solidarité viennent une nouvelle fois d’être modifiés par un décret modificatif du 16 avril 2020. Ils sont assouplis s’agissant de la situation financière de l’entreprise au regard des procédures collectives : le dispositif est désormais expressément ouvert aux entreprises en difficulté, à l’exception de celles se trouvant en liquidation judiciaire au 1er mars 2020. Une entreprise en période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (a fortiori sous le coup d’une procédure préventive de type conciliation ou mandat ad hoc, mais cela le décret du 30 mars 2020 l’admettait déjà) à cette date est donc éligible. Cette clarification est tout à fait opportune.
Par ailleurs, le décret du 16 avril précise que les aides versées par le fonds de solidarité aux entreprises doivent être compatibles avec la réglementation européenne sur les aides d’État. Précisément, les aides versées à des entreprises qui étaient, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l’article 2, § 18, du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur, doivent être compatibles avec le règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. L’idée est que si l’entreprise est en difficulté financière au sens du règlement 651/2004, elle peut bénéficier d’aides de minimis (V. sur ce point, Circulaire relative à l’application du règlement n° 1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, spéc. p. 13).
Procédure (Décr. 30 mars 2020, art. 3 mod.)
Le décret du 30 mars 2020 précise que la demande d’aide financière du fonds de solidarité doit être formulée par voie dématérialisée, au plus tard le 30 avril 2020 (art. 3, al. 3). Le décret du 16 avril 2020 assouplit cette condition de date. Ce délai est prolongé jusqu’au 15 mai 2020 pour les artistes auteurs, les associés des groupements agricoles d’exploitation en commun, qui deviennent ainsi éligibles aux aides du fonds de solidarité, et les entreprises situées à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
La demande doit être accompagnée d’un certain nombre de justificatifs énumérés par le décret du 30 mars 2020 (une déclaration sur l’honneur attestant que l’entreprise remplit les conditions d’éligibilité, l’exactitude des informations déclarées ainsi que la régularité de sa situation fiscale et sociale au 1er mars 2020 ; une estimation du montant de la perte de chiffre d’affaires ; les coordonnées bancaires de l’entreprise). Le décret complète cette liste. Il faut, en effet, désormais fournir en sus, à l’appui de sa demande, une déclaration indiquant si l’entreprise était en difficulté au 31 décembre 2019 au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014. Cette déclaration doit également figurer en cas de demande d’aide complémentaire.
Prolongation de l’aide (Décr. 30 mars 2020, art. 3-1 et 3-2 nouv.)
On rappellera que, selon le décret du 30 mars modifié par le décret du 2 avril, les aides financières du fonds de solidarité bénéficient aux TPE qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 (art. 2). Compte tenu du prolongement de la période de confinement jusqu’au 11 mai prochain décidée par le président de la République, le décret du 16 avril 2020 prévoit une nouvelle aide, également plafonnée à 1 500 € au bénéfice des TPE qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er avril 2020 et le 30 avril 2020 ou qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 30 avril 2020. Le critère de référence de perte du chiffre d’affaires est également assoupli. Pour les entreprises qui le souhaitent, cette perte peut, en effet, désormais être appréciée par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019. Il faut dire que prendre comme mois de référence pour le calcul des pertes mars 2019, comme le prévoyait le décret du 30 mars, pouvait se révéler défavorable pour les entreprises, car il s’agissait pour beaucoup d’entre elles d’un mauvais mois en raison de la chute d’activité provoquée par la crise dite des « gilets jaunes ».
La demande doit être formulée au plus tard le 31 mai 2020. Elle obéit aux mêmes conditions et doit être accompagnée des mêmes justificatifs que ceux prévus par le décret du 30 mars 2020. Ces aides sont cumulables. Ainsi, une TPE visée par une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars et le 30 avril peut prétendre à une aide du fonds de solidarité de 3 000 €.
Aide complémentaire (Décr. 30 mars 2020, art. 4 mod.)
Le décret du 30 mars 2020 prévoit que les entreprises éligibles à l’aide du fonds de solidarité particulièrement fragiles pourront bénéficier d’une aide complémentaire forfaitaire de 2 000 € versées par les collectivités locales (art. 4). Sont concernées celles qui emploient au moins un salarié, qui se trouvent dans l’impossibilité de régler leurs dettes à trente jours et qui se sont vu refuser un prêt de trésorerie par leur banque. Ce deuxième critère est remplacé, par le décret du 16 avril par le critère suivant : « Le solde entre, d’une part, leur actif disponible et, d’autre part, leurs dettes exigibles dans les trente jours et le montant de leurs charges fixes, y compris les loyers commerciaux ou professionnels, dues au titre des mois de mars et avril 2020 [doit être] négatif ».
Par ailleurs, ce même décret du 16 avril remplace désormais le principe du montant forfaitaire à 2 000 € par trois montants plafonds, fixés respectivement à 2 000, 2 500 et 5 000 €, chacun de ces montants dépendant eux-mêmes de deux facteurs, en termes de montant de chiffre d’affaires et de passif exigible. Ces montants sont les suivants :
« – 2 000 € pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos inférieur à 200 000 €, pour les entreprises n’ayant pas encore clos un exercice et pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos supérieur ou égal à 200 000 € et pour lesquelles le solde mentionné au 3° [il s’agit du solde ci-dessus] est inférieur, en valeur absolue, à 2 000 € ;
– au montant de la valeur absolue du solde mentionné au 3° dans la limite de 3 500 €, pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos égal ou supérieur à 200 000 € et inférieur à 600 000 € ;
– au montant de la valeur absolue du solde mentionné au 3° dans la limite de 5 000 €, pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos égal ou supérieur à 600 000 € ».
Enfin, les critères d’attribution de l’aide complémentaire sont simplifiés. En particulier, la demande d’aide devait être accompagnée de plusieurs justificatifs, parmi lesquels « une description succincte de sa situation, accompagnée d’un plan de trésorerie à trente jours, démontrant le risque de cessation des paiements ». Par ailleurs, la collectivité territoriale saisie devait instruire la demande d’aide en examinant « en particulier le caractère raisonnable du montant du prêt refusé, le risque de cessation des paiements et son lien avec le refus de prête ». Le décret du 16 avril gomme, à la fois dans la justification de la demande et son instruction, toute référence à la notion de risque de cessation des paiements.